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Laurent Lesieur - producteur et intervenant à CIFACOM : de la production à la transmission !

Actualités & Galeries

Vivre de ses rêves, voilà la voie qu’a choisie, il y a bien longtemps, Laurent Lesieur. Producteur émérite, il a choisi, il y a quelques années, de ralentir ses activités professionnelles pour transmettre les arcanes d’une profession passionnante et mal connue aux étudiants en section BTS Production de l’école d'audiovisuel CIFACOM.

 

Intervenant Laurent Lesieur

Il y a plus de trente-cinq ans, Laurent Lesieur découvrait les métiers de la production et se lançait dans une carrière fructueuse qui allait faire de lui un homme heureux vivant chaque jour sa passion du cinéma et de l'audiovisuel.

Cette passion, née à 15 ans après avoir assisté à la projection du 2001, l’Odyssée de l’Espace de Kubrick, le convainc d’abord de tenter les métiers de la réalisation. 

Mais très vite, il se rend compte que le métier d’assistant réalisateur ne lui convient pas. Et c’est de stage en stage qu’il découvre, à 20 ans, les métiers de la production.

Bonjour Laurent, je crois que tu as eu la chance de faire connaissance avec la production de façon très atypique !

Oui, tout à fait. A mon époque, il n’existait aucune formation en production audiovisuel. C’était il y a plus de trente ans et les gens se formaient sur le tas. Il y a avait l’ancêtre de la Fémis qui formait les futurs réalisateurs et assistants réalisateurs, Louis Lumière qui formait les techniciens du son ou de l’image mais à côté de ça, pas grand-chose… Le cinéma, c’était encore une école de la pratique et on allait de stage en stage. Un jour, dans une boîte de prod, j’ai fait la connaissance de Pierre Etaix et de Jean Becker. Ils ont été mes parrains et c’est grâce à eux que je me suis dirigé vers la production. Ils ont remarqué ça en moi, sans doute… que mes envies et ma personnalité correspondaient mieux à la production qu’à la réalisation. Pour moi, tout s’est fait avec cette rencontre de deux personnalités fascinantes ! 

Qu’est-ce qui t’a attiré dans le métier de directeur de production ?

Le cinéma, c’était un rêve de gosse… Le choc total, celui qui m’a décidé à y faire ma vie, ça a été 2001, l’Odyssée de l’espace. Après avoir vu ce film, je SAVAIS que je devais faire ça. Je voulais mettre mes rêves sur grand écran. Après ce film, je me suis dit que tout était possible ! J’avais 15 ans. J’ai fait un bac électronique en me disant que ça me servirait pour la suite. Au début, j’ai pensé à la réalisation, c’est vrai… Mais au fond, je ne voulais pas être « visible », « exposé ».  Le directeur de production, lui, était bien caché sur le plateau. Présent mais pas médiatisé. Pas « dans la lumière ». Ça me convenait tout à fait. 

Tu as surtout produit de la fiction au cinéma et à la télévision : était-ce un choix ?

Oui et non… J’ai commencé, avec Pierre (Etaix) et Jean (Becker) par de la fiction… Et là, je me suis fait un cercle, ce qu’on appelle un « réseau ». Et une fois que tu es dans un cercle, tu y restes, tu le développes et les choses se font assez naturellement. C’est important, ça, le réseau. Sans réseau, tu ne travailles pas. En revanche, si tu as un bon réseau, tu ne t’arrêtes plus. J’ai commencé il y a plus de 35 ans et je n’ai plus arrêté de travailler.

Quel est, en fiction, l’aspect le plus compliqué du métier de directeur de production ?

Le plus compliqué ? Le temps… Le temps qu’on passe à faire les choses ! Le temps est une angoisse permanente… Le temps, c’est une donnée précise. Respecter le temps dans le plan de travail, c’est primordial. Pour des raisons financières, bien sûr, mais aussi pour des raisons de respect des équipes. Quand le réalisateur et l’assistant réalisateur se mettent à prendre du retard sur le nombre de plans et de séquences prévus par jour, cela signifie négocier des heures supplémentaires avec des techniciens parfois déjà épuisés.

Et il faut encore différencier TV et cinéma. En TV, tout est plus cadré. Les auteurs sont conscients de faire du flux. Les réalisateurs n’écrivent pas, ils sont là pour réaliser un travail de commande. Au cinéma, l’auteur-réalisateur a besoin de plus de liberté donc il est plus susceptible de « déborder »… Si le producteur n’a pas le droit d’improviser, c’est pour laisser ce petit espace de liberté au réalisateur. Lui seul en a le droit… mais ça peut être très compliqué à gérer !

Et le plus facile ?

J’adore la phase de préparation ! Surtout en tant que producteur délégué ! Imaginer le casting, les costumes, les décors, voir tous ces éléments se combiner, se mettre en place… Et ce que je préfère encore, c’est le visionnage des premiers rushes ! Quand le film commence à apparaître : c’est magique ! Sans compter la satisfaction qu’on éprouve quand on parvient à réaliser une journée compliquée, avec, par exemple, des cascades et que tout se passe sans anicroches !

Quelles sont, selon toi, les qualités d’un bon directeur de production ?

La perspicacité : être capable de lire un scénario et d’établir un devis… Avoir une vision réaliste du « combien ça coûte », c’est très compliqué mais c’est la base du métier !

Et puis, un bon directeur de production doit être bienveillant avec ses équipes. Bienveillant, cela exige d’être présent, au contact avec l’équipe. Personnellement, je délègue des tâches de bureau à mon administrateur et à mon assistant de production pour pouvoir rester sur le plateau le plus possible.

Être solitaire, c’est très mauvais pour le métier ! Le directeur de production, c’est une sorte de « tour de contrôle »… Il doit veiller à tout. S’il n’est pas sur le plateau, s’il ne connaît pas le métier de ses techniciens, il ne peut pas bien faire son métier.

Tu enseignes l’Environnement Economique et Juridique à l’école de cinéma CIFACOM en BTS audiovisuel… Quelles qualités t’attends-tu à trouver chez tes étudiants ?

Je suis intraitable sur l’écoute ! Ce sont des adultes en formation et ils sont là parce qu’ils l’ont choisi ! Nous faisons partie des techniciens et il y a beaucoup de choses à apprendre pour être un directeur de production compétent. Ne pas écouter, c’est déjà un bon indicateur qu’on n’est pas fait pour ça ! La plupart sont d’abord attirés par le glamour. Mais nous sommes d’abord des professionnels… Le glamour, ça viendra après… S’ils ont de la chance ! J’aime aussi sentir chez eux de l’humilité… Qu’ils réalisent que pendant les dix-huit mois de formation à venir, ils vont devoir beaucoup s’investir, travailler, renoncer à des choses de leur vie de lycéens… Dix-huit mois, c’est court ! Mais ceux qui m’écoutent, les anciens, ceux qui me font confiance, finissent toujours par revenir me voir, une fois sur le terrain, pour me dire que j’avais raison. Je leur parle de la réalité. De ce qui les attend.

Pourquoi as-tu décidé d’enseigner ?

Une amie qui me connaît bien me l’a conseillé. A ce moment de ma carrière, j’avais envie de ça, de transmettre. J’aime trouver la bonne manière de m’adresser à mes étudiants. J’aime sentir que je les aide. De mon temps, ça n’existait pas. Je leur fais gagner du temps.

Ȧ quoi doit s’attendre un jeune qui sort de formation ?

Ȧ la même chose que ce que j’ai connu autrefois…  J’ai fait 126 films en 30 ans de carrière… J’ai décidé de ralentir il y a 7 ans pour retrouver un rythme de vie plus calme mais il y a du travail dans la production ! Aujourd’hui, un jeune qui veut percer doit, comme moi autrefois, être vaillant et être habile en relations publiques pour constituer son réseau ! Un jeune aimable, humble, compétent, vaillant, bon élève trouve du boulot très vite ! Et s’il trouve du boulot et qu’il le fait bien, il se constituera son réseau…

Et pour finir, ton plus beau souvenir professionnel ?

Oh lalalaaaaa ! Etonnamment, mon plus beau souvenir est un souvenir de galère ! (rires) Sur On ne meurt que deux fois,  j’assistais Monsieur Becker que j’avais croisé chez Film 7 et qui m’avait proposé quelques jours de tournage avec lui. Je devais emmener Michel Serrault sur le plateau chaque matin. A l’époque, j’habitais à Bry s/ Marne et lui à Neuilly… Je suis arrivé au rendez-vous avec 1h de retard le premier jour du film !!! Je me revois, suivant Michel, tête basse, passant entre les figurants en costume (on tournait une scène d’enterrement). Monsieur Becker m’a lancé un « C’est la dernière fois, Laurent ! » Et je n’ai plus jamais été en retard !!! Si j’avais été un feignant, ça aurait été fini pour moi. Mais à cette occasion, j’ai découvert que le milieu est indulgent avec les gentils garçons bosseurs ! (rires). C’est pour ça que c’est un métier merveilleux : on a droit à l’erreur (pas trop) mais si on bosse bien, alors, on vivra un rêve permanent et on rencontrera des gens formidables, talentueux… J’ai eu la chance de rencontrer Mireille Darc, Thierry Lhermitte, Miou Miou et tant d’autres !

Ces trente ans et quelques, finalement, ça n’a été que du plaisir !

Merci beaucoup, Laurent, pour ton enthousiasme et pour tes réponses ! Et nous te souhaitons encore de longues années parmi nous au CIFACOM !